Question de temps

 J’avais passé la matinée à butiner sur les mots de peine et de misère, passant de l’un à ses synonymes, en de confuses envolées. Il était près de treize heures quand j’avais englouti, frugal repas de miscellaneous-zéro-gaspi. 

Ramassant le bouquin que je souhaitais commencer, mes yeux se posèrent un bref instant sur la petite liste du quotidien où subsistait, sans rature, le mot « espagnol ». ZUT! J’avais oublié!

Je ramassai Petit Acer et l’amenai dehors avec moi. Cet après-midi, la poursuite de l’apprentissage se ferait à la bonne franquette entre les bruits de circulation sur Principal, le chant des oiseaux et les conversations des deux femmes dans la cour contiguë à la galerie.

Peu à peu, d’autres voix se joignirent à cette cacophonie. Des gens se rassemblaient devant l’église. Distinctement, j’entendis que le mariage était prévu pour quinze heures. Tiens, tiens!

Le temps s’écoula au rythme où défilèrent les mots latinos. Soudain, les cloches sonnèrent à la volée. Prélude. Je me retins d’aller fureter entre les branches clairsemées de la haie de cèdres…

- Une heure plus tard –

Ohhh… à nouveau les cloches! Je vois le gros écureuil noir qui écornifle à travers les branches. Alors moi aussi, j’ose… 

J’ose une course à l’étage pour profiter d’une vue imprenable sur la trentaine de personnes qui envahissent les marches du parvis. Les mariés sont jeunes et beaux, lui blondinet ébouriffé, elle, châtaine aux longs cheveux et, fait surprenant, chaussée de souliers plats. Idem pour la plupart des femmes présentes, comme si maintenant, on osait enfin choisir le confort. Il était temps!

Sur Principal, un tracteur empoussiéré non invité, en profite pour couper de sa pétarade, le petit défilé qui se prépare, alors que moi j’assiste en catimini, au début d’une histoire qui durera, peut-être, jusqu’à la fin des temps…