Fatalité

 ... J’ignore si, quand Elle s’est levée ce matin-là, elle avait ressenti que quelque chose de différent, de spécial, se passerait. Avait-elle eu prémonition ou quelques signes, que sa journée prendrait une toute autre allure que celle prévue?...

En fait, le sait-on jamais ???...

Il faisait beau et chaud, l’air était humide et lourd. C’était presque, par habitude québécoise, l’heure de casser la croûte. La piste cyclable n’était pas trop achalandée. Les habituels. Ceux qui dévalent les côtes à vive allure. Ceux qui roulent en patins sans souci de la ligne médiane. Les marcheurs. Les coureurs. Les paires, côte à côte…

J’avais à peine mouliné 5 ou 6km. J’en étais à la première montée un peu abrupte du Parc d’Oka, direction ouest, quand j’aperçus un attroupement un peu plus haut. Quelques personnes, réparties de part et d’autre de la piste. Un véhicule tout terrain. Je roule vers eux. Pas par choix. Pas d’autre choix. Je me doute bien…

J’y suis. Un vélo renversé. Une femme parle au téléphone. Je l’entends dire : « Oui, elle répond aux questions… » Puis je vois à la lisière du bois, la personne blessée, couchée sur le dos, immobile, le regard hagard. Un liquide rougeâtre s’écoule de son nez.

« Est-ce que je peux aider? » que je lance. Vieux réflexe, vieille hantise, mais loi du Bon Samaritain…

« Non, ça va. Y’a quelqu’un du Parc, un premier répondant, et les secours s’en viennent. » me répond la femme.

Tant mieux. Je me pousse et tout en pédalant, j’espère.

J’espère que la Personne s’en sortira sans séquelles. Qu’elle vaincra la vilaine peur qui risque de s’incruster en elle. Qu’elle repassera un jour, bientôt je lui souhaite, sur les marques sombres laissées sur le bitume. Son liquide rougeâtre…

Je ne peux même pas dire si elle était homme ou femme.  

Mais au fond, est-ce vraiment si important de la genrer ???...

"Douceur du jour"