À force de vie et de sueur d’écorce
Pour une combien-tième année, en mai, avait-il trouvé la force de laisser s’installer pétales rosis?
Avait-il seulement quelque espoir, de tenir le coup, sous les vents et ondées de l’été?
Faut croire, car…
Pendant que le temps grugeait délibérément son corps, la sève en lui circulait. Maintes saisons sous la neige n’avaient eu raison de la robustesse de sa nature.
Auparavant, haut et fier, il présidait en première rangée, le regroupement des siens, celui du CHSLD des Pommiers Âgés.
Maintenant, écorché vif, il survivait par, on ne le saurait jamais, quelque mystérieuse magie. Devant son écorce mutilée, septembre exposait le fruit défendu.
Lourdement chargé, il rendait, probablement pour une dernière fois, ce pour quoi il avait existé. La vie avait percé sa carapace, mis à jour son cœur, l’avait fortement tordu et gauchi.
La pourriture lui avait rongé le tronc sans façon.
Signe d’abandon, une partie de ses fibres reposaient sur le sol non loin de lui. Bientôt, tronçonné on les incinérerait, peut-être pour le plaisir d’aucuns qui profiteraient alors de sa chaleur et de ses derniers éclats.
Ce sera sous cette allure tuméfiée, mortifiée, brisée, qu’il finira ses jours, oublié…
"À force de vie et de sueur d'écorce", SJDL,12 septembre 2023
Commentaires
Description qui entraîne aussi une réflexion sur notre invisible fragilité...